Revenir au site

Sur les traces de Patañjali

Le sage aux mille visages

Les Yoga Sūtras, recueil de 195 aphorismes rédigé en sanskrit, est l'ouvrage de référence du yoga. Selon certaines sources, ce texte daterait d'il y a 1 700 ans et aurait été rédigé par un dénommé Patañjali. Cependant, un voile opaque entoure ce personnage aux visages multiples.

Patañjali a-t-il réellement existé ? Etait-il un seul homme ? Un demi-dieu ou bien mythe ?

A la frontière entre faits réels et figures mythologiques, nous avons souhaité en savoir plus sur ce qui se cache derrière ce nom mystérieux.

broken image

Une "incarnation divine"

L'un des premiers doutes concernant Patañjali concerne ses dates de naissance et de mort.

Bien que l'on ignore l'époque précise où vécut Patañjali, de nombreuses sources s'accordent à penser qu'il naquit et composa ses oeuvres vers 400 ans avant J.-C.

Cependant, la méthode d'écriture en aphorismes utilisée dans la rédaction des yoga sūtra laisse à penser que leur auteur aurait plutôt vécu vers 250 avant J.-C.

La filiation de Patañjali est tout aussi nébuleuse.

>> Selon un courant de pensée, il était le fils d'Angira, l'un des dix fils de Brahma, le Créateur, et de Sati, l'épouse de Shiva. Cela ferait de lui non seulement le petit-fils du Créateur, mais également le frère de Brhaspati, dieu de la sagesse et de l'éloquence.

D'après cette théorie, Patañjali aurait choisi de s'incarner afin de venir en aide à l'humanité.

>> Si l'on se réfère à une autre légende, l'histoire est toute autre :

Un peu avant la naissance de Patañjali, le Seigneur Vishnu, assis sur son serpent Ananta, regardait fasciné la danse de Shiva. Il fut bientôt si affecté par cette danse que son corps fut pris de spasmes, ce qui incommoda fortement Ananta.

Quand la danse prit fin et que Vishnu retrouva sa légèreté, le poids disparut instantanément du dos du serpent, et Ananta demanda à Vishnu ce qu'il s'était passé. En entendant parler de l'effet de la danse sur son maître, Ananta voulut apprendre cette danse afin de se produire lui-même devant son maître le Seigneur Vishnu et le satisfaire. Le serpent commença alors à méditer sur la façon dont il pourrait s'incarner afin de pouvoir danser pour Vishnu.

C'est alors qu'il reçut la vision de Gonika, une maître yogi qui désirait ardemment un fils.

Un jour, pour s'asperger le visage d'eau, elle positionna ses mains en anjali en signe d'offrande et y découvrit une créature mi-homme, mi-serpent, couronnée par un cobra aux mille têtes.

Cette créature lui demanda de l'accepter comme fils, ce qu'elle fit. Tombé du paradis dans ses mains, elle le nomma tout naturellement Patañjali, pat signifiant tombé et anjali étant le nom donné à ce geste de prière.

broken image

Une naissance au centre du monde

Patañjali serait né à Bharata, l'une des sept (ou neuf) régions entourant le Mont Meru.

Le Mont Meru est considéré comme le centre de l'univers; il s'agit d'une représentation d'une colonne vertébrale humaine.

Une autre histoire raconte que Patañjali serait né à Ilavrita, une qui s'élève au delà du Mont Meru, et où seuls résident les dieux et quelques êtres incarnant la spiritualité suprême et la transcendance.

Illavrita ne serait par conséquent pas réellement une partie de l'Inde ou de tout autre pays terrestre, mais une demeure éthérée et céleste.

Bien sûr, ces récits mythologiques qui se sont transmis de génération en génération sont des allégories. Dans les faits, il est probable que Patañjali soit né en Inde et ait apporté une vision éclairée à une population, ce qui fit de lui dans l'imaginaire collectif un demi-dieu.

broken image

Une vie sur Terre

Avec de telles origines, il est facile d'imaginer la fabuleuse destinée qui se présentait au petit Patañjali.

Dès sa naissance, celui-ci fut en mesure de parler et de dispenser ses enseignements. Ses sujets de conversaion préférés étaient ceux des sages, des rishis et des voyants.

Il était en mesure de révéler des éléments non seulement du présent, mais aussi des faits appartenant au passé et au futur, avec beaucoup de précision.

Son histoire d'amour avec Lolupa fait également l'objet de fascination. On raconte qu'il découvrit la jeune femme blottie dans le creux d'un arbre sur le versant nord du Mont Sumeru, la montagne céleste de l'illumination, et qu'il tomba immédiatement amoureux d'elle. Ils vécurent une grande et belle passion et partagèrent les fruits de leurs quêtes spirituelles.

broken image

Son oeuvre

>> Patañjali est avant toute chose l'auteur des Yoga sūtra, un recueil de 195 aphorismes, soient 1161 mots, faisant office d'ouvrage de référence du yoga.

>> Patañjali fut aussi un grand danseur, comme le laissait suggérer la raison de son incarnation. Les danseurs classiques indiens lui rendent hommage lors de représentations et il est le saint patron de la danse.

>> On lui attribue également un ouvrage portant sur l'Ayurvéda, ce qui paraît logique puisqu'il attache une grande importance à cette forme de médecine et au corps, qu'il évoque par exemple dans les Yoga sūtra. Les historiens ne sont pas unanimes sur ce fait, mais un être spirituel est-il tenu de coller à la réalité ?

>> Un dénommé Patañjali fut à l'origine d'un traité sur la grammaire sanskrite, mais il y a discorde quant au fait qu'il s'agisse de la même personne.

Ce "grand commentaire" portant sur la grammaire de Pāṇini est une oeuvre magistrale, encore exploitée de nos jours, qui va bien au-delà de la grammaire établie par Pāṇini, en redéfinissant les règles de la grammaire sanskrite pour en faire un instrument plus subtil, précis et artistique. Le sanskrit est ainsi souvent décrit comme "un diamant à mille facettes".

La théorie qui dissocie l'auteur des sūtra de l'auteur de cet ouvrage sur la grammaire s'appuie sur les dates de parutions, éloignées d'un siècle.

De plus, les deux auteurs des deux livres tiennent des arguments contraires sur différentes théories, laissant à penser qu'il ne s'agit pas de la même personne.

broken image

Patañjali, une inconnue à deux variables

Les nombreux doutes qui planent sur l'ensemble de la vie et du travail de Patañjali déteignent sur la véracité des données à son sujet. A-t-il réellement écrit les Yoga sūtra ? Si oui, les a-t-il écrits seul, ou était-ce une synthèse de préceptes déjà existants ?

Les Yoga sūtra ont fait l'objet d'études et d'analyses, notamment au niveau du style de la syntaxe. Il apparaît que ce style change à certains passages, comme au chapitre 4, qui est plus court et assuré, comme si l'auteur émettait une certitude.

De plus, le troisième chapitre contient la forme syntaxique "iti", qui pourrait être traduite par "quod erat demonstrandum" ou "comme démontré précédemment", ou encore "CQFD".

En sanskrit, cette tournure apparaît généralement en guise de conclusion, pour clore un livre. Or, ici, cette formule est au milieu du livre... Comme si l'auteur avait achevé son oeuvre, et que celle-ci avait par la suite été reprise et complétée.

broken image

Les Yoga sūtra, un héritage incontestable

En fin de compte, les incertitudes historiques concernant Patañjali sont assez peu importantes pour les personnes souhaitant simplement bénéficier de ses enseignements, à savoir : accéder à la tranquillité intérieure et atteindre la réalisation spirituelle.

La genèse et l'auteur des Yoga sūtra peuvent être contestés mais cet ouvrage est un ensemble cohérent et autonome, qui prend en charge l'aspirant à l'apaisement et à la réalisation et l'accompagne aux niveaux théorique et pratique.

broken image

L'aura sacrée qui entoure Patañjali est dûe au fait qu'il a sû transmettre et condenser de manière claire un héritage millénaire, qui est encore aujourd'hui largement exploité. Son oeuvre fait figure de référence pour tous les yogis, qu'ils s'essayent simplement aux asanas ou qu'ils cherchent à développer leur extrasensorialité dans un but mystique.

Plus encore, les Yoga sūtra sont un manuel de vie qui peuvent aider tout un chacun à trouver sa voie et à faire de sa vie un épanouissement.

broken image

Sources :

- Qui était Patanjali ? - article de Isabelle Calkins sur yogamassala.com

- Biographie de Patanjali sur Kofibusia.com

Article rédigé par Emilie Le Dé